12 - Modélisation de la luminance



Par l'introduisant des coefficients de luminance, on remplace la luminosité classique du RGB par la luminance de la fonction V(λ).

1 - La luminosité dans le CIE-RGB


Précisons d'abord que le modèle CIE-RGB 1931 n'est qu'une conception mathématique et qu'il n'a jamais servi à des expérimentations dans le monde réel. Il a été conçu comme un modèle virtuel en préparation d'une transformation linéaire vers XYZ. Les données recueillies par Guild et Wright ont été adaptées au CIE-RGB par extrapolation depuis leurs espaces colorimétriques d'origine vers les primaires R (700), G (546,1), et B (435,8) qui n'ont pas été utilisées physiquement. L'idée est d'utiliser des primaires rouge et bleue qui soient le plus proche possible de la limite de visibilité afin de faciliter la prochaine étape vers le XYZ où là effectivement les primaires X et Z seront précisement sur la limite de visibilité.


Fig. 1 - Dans cet exemple on a choisi la spectrale la plus lumineuse de V(λ), soit V(555), ainsi les valeurs de luminance tendent vers 1. Les coefficients de luminance permettent l'égalisation de la fonction V(λ)

Pour décrire la luminance du "stimulus space" nous allons à nouveau nous passer des références aux primaires RGB, pour ne pas avoir recours à des grandeurs physiques pour la décrire. Seules sont utilisées les composantes R, G et B qui vont permettre d'imiter la fonction d'efficacité lumineuse spectrale relative V(λ), la nouvelle luminosité normalisée du stimulus space. Cette luminosité est sans grandeur, ni unité.

La fonction d'efficacité lumineuse spectrale relative ou plus simplement la fonction V(λ) a été conçue pour être uniquement dépendante de sensations visuelles, sans aucune intervention de grandeurs physiques quelquonques. (voir article 7 - La luminance V(λ) selon la CIE). En intégrant la fonction V(λ) comme échelle de luminance, il est donc important de conserver cet aspect relatif, en d'autre termes la luminance maximum ne peut être que égale à 1.

C'est ainsi que pour avoir une luminance uniquement reliée à la fonction V(λ), il faut éliminer toutes références à la luminance énergétique des couleurs spectrales. Pour cela, il suffit de définir l'ensemble des couleurs spectrales avec une luminance énergétique constante, donc de construite un stimulus space d'égale énergie.
La constante énergétique supprimée, seul un rapport d'échelle subsiste sous la forme d'une constante k :

V(λ) = k   Lrgb 

Nous avons déjà vu précédemment le rôle des fonctions colorimétriques pour définir le gamut de ce nouvel espace. Dans le contexte de la luminosité, elles interviennent de cette façon :

V(λ) =  kr   $\overline{r}$ + kg   $\overline{g}$ + kb   $\overline{b}$

kr, kg et kb venant de la radiance des sources lumineuses représentent dorénavant la différence d'échelle de luminosité entre V(λ) et Lrgb. Ces constantes sont désormais appelées coefficients de luminance pour obtenir l'équation fondatrice du modèle CIE-RGB :



Notez bien que LR ne représente pas la luminance de [R], mais représente une composante trichromatique Rqui vient pondérer une autre composante $\overline{r}. Le produit  L$\overline{r} représente la luminance de la spectrale correspondante. Idem pour g et b.


Peut-on démontrer la validité de cette équation ?


3 - A la recherche des bons coefficients de luminance


Dans les couleurs spectrales à tester, l'une d'elles à la particularité d'être la même couleur que l'une des primaires. C'est la couleur rouge située à la longueur d'onde 700 nm, [R (700)]. On a donc à comparer une couleur avec elle-même à la nuance près que la couleur spectrale 700 rouge a une luminance très faible puisque située proche de la limite de visibilité. Comparée à la primaire [700], elle n'a que 0,41 % de sa luminosité.

Pour obtenir la concordance, visuelle il suffit de régler le niveau de luminance de la primaire rouge sur la même valeur très faible. Les deux autres primaires restant éteintes.

Fig. 2 - A gauche, la luminance de la couleur spectrale est définie dans la fonction V à 700 nm. C'est un rouge très sombre qui approche le noir. A droite, seule la primaire rouge participe avec une valeur de luminance relative = 1 qui est pondérée de la même valeur que V 700.


Cette correspondance de la primaire rouge avec la spectrale rouge identique va servir de base pour évaluer la différence d'échelle de luminance qui existe entre la luminance des couleurs spectrales et celle des couleurs RGB. Nul besoin de connaître la luminosité de la primaire [R], il suffit de montrer qu'on utilise 100% de cette primaire en définissant sa composante trichromatique R sur la valeur 1.

En donnant à la composante R une valeur de luminosité relative égale à 1 et non pas à 1/3 comme intuitivement on pourrait s'y attendre et en donnant à la fonction colorimétrique $\overline{r}$(λ) une valeur de 0,0041 on égalise la luminance de la spectrale.


Cette valeur relative L= 1 étant connue, on peut calculer les deux autres coefficients  LG et LB.

En fait Judd se donne avec cette valeur = 1 une règle graduée qui va lui permettre de mesurer les deux autres coefficients de luminance (Fig. 4). Il n'utilisera pas cette méthode géométrique trop peu précise, mais une autre méthode d'extraction bien plus précise qu'on nomme aujourd'hui méthode d'ajustement aux moindres carrés et qui lui a permis d'extraire les valeurs de coefficients à quatre décimales :



Dans cette équation la somme des luminosités est égale à 1 ( et non pas à 5,6508 ), car c'est V(λ) qui donne le niveau de luminosité relative et non le système RGB.

Fig. 4. Les calculs sur un nomogramme ne sont pas très précis, mais ils permettent très facilement d'obtenir un résultat à deux décimales.


Une fois la distance 0R connue avec une valeur de 1, il est facile d'obtenir la valeur de 4,59 entre 0 et [G]. On effectue la même opération sur la distance entre le plan de luminance nulle et [B] et on obtient 0,060. Les trois coefficients LR, LG et LB déterminent la luminance depuis le plan de luminance nulle et non pas du point 0 des luminosités du modèle RGB. En d'autres termes ces coefficients de luminance ne sont pas synonymes de luminosité du modèle RGB, Il expriment la luminance d'un autre modèle, celui de la fonction V(λ).

Fig. 3 - La couleur spectrale rouge 700 (la plus sombre et la première près de l'origine)  est une toute petite proportion de luminosité de sa jumelle, la composante trichromatique R qui est elle-même la proportion maximum de la primaire [R] dont on ne connait pas la luminosité absolue.


4 - Le point blanc dans le CIE-RGB


Rappelons tout d'abord quelle est la définition d’un point blanc d’égale énergie ou équi-énergétique.

Un point blanc est dit d’égale énergie lorsque toutes les sources lumineuses qui le composent délivrent la même énergie, c’est-à-dire une radiance constante.


Nous avons vu précédemment que l'espace colorimétriques des couleurs spectrales est défini par les intégrales des luminance énergétique P  pondérées par les fonctions colorimétriques.


Nous avons vu que pour introduire la fonction V(λ), nous avons pu supprimer la variable "radiance", car c'est une constante de l'ensemble des couleurs spectrales.

Une fois la fonction V(λ) introduite par le produit des coefficients de luminance et les fonctions colorimétriques (équations 11.4), les intégrales des FC s'égalisent :



Cette équation nous confirme que l’ensemble des couleurs spectrales forment un espace colorimétrique d’égale énergie. Les coordonnées r, g et b dérivées des fonctions colorimétriques sont égales entre elles. Par conséquent leur superposition donne le blanc d’égale énergie E.

E = r + g = b = 1
 r = g = b = 1/3

Ce point blanc d'égale énergie ainsi obtenu n’est pas un choix esthétique des concepteurs, mais est le résultat d’une obligation de construction permettant l’introduction de la fonction V. En d’autres termes, le point blanc d'égale énergie ne provient pas du RGB, mais provient du "stimulus space", c'est-à-dire l'espace colorimétrique formé par l'ensemble de couleurs spectrales et il est porté par les produits  LR $\overline{r}$,  LG $\overline{g}$ et LB $\overline{b}$. (Voir plus bas : tableau 2).


Notes :

[1] D'après Hugh S. Fairman, How the CIE 1931 Color-Matching Functions Were Derived from Wright–Guild Data, lorsqu'une primaire est comparée à elle-même, il doit y avoir correspondance et donc les fonctions colorimétriques tendent à égaler une luminance relative = 1.


1 commentaire :

  1. J'espère que vous allez bien.
    Je profite du confinement pour me remettre dans la mathématique de la colorimétrie.
    J'essaie de mettre dans le diagramme de chromaticité les tests de WRIGHT à savoir avec ses primaires de 650 et 530 il obtient du jaune à 582,5 et avec le vert et le bleu de 435,8 il obtient du cyan à 494

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