10 - Les travaux de Wright and Guild

C’est par une succession d’étapes et un peu par tâtonnement que le tracé des couleurs spectrales voit le jour dans l’espace CIE-RGB.




Tout commence par les expérimentations de John Guild et William Wright menées chacune de leur côté sur des critères différents par des organisations indépendantes. Lors de leurs expériences, les deux chercheurs utilisaient l'espace colorimétrique qu'il avaient sous la main, c'est-à-dire des primaires faciles à mettre en œuvre. Ils n'avaient aucune idée que les données qu'ils étaient en train de recueillir seraient finalement transposées dans un espace colorimétrique très éloigné de ce qu'on avait l'habitude de voir à cette époque. Il n'imaginaient pas que Deane B. Judd proposerait d'introduire la fonction V(λ) comme base pour la luminance.

Fig. 1A. En donnant aux primaires une puissance suffisante pour « lire » les lumières spectrales, on a une différence d'échelle de luminance et le cube semble démesuré par rapport aux couleurs spectrales.
Fig. 1B.  Dans le triangle de Maxwell, on court-circuite la luminance et donc le rapport d"échelle.

Lors de ces expériences, les scientifiques n'imaginaient pas que ces données allaient être soumises à des conversions successives afin d"être intégrées dans le conteneur final qui n'est autre que le CIE-RGB. C'est pour cette raison que certaines de leurs données seront publiées sous la forme de coordonnées réduites (informations de chromaticité uniquement) de la forme r, g  plutôt que sous forme de composantes trichromatiques plus précises. Wright exploita ses résultats sous forme de graphique de coordonnées réduites (voir fig. 3) car cela était pour lui plus maniable.


John Guild commença ses expériences dès 1927. Mais il les publiera seulement en 1931. Ses expériences sont menées avec sept observateurs sur la comparaison de 36 couleurs spectrales. Il choisit un système RGB basé des primaires R,G,B = 460 nm, 543 nm, 630 nm, obtenues en utilisant des filtres rouge, vert et bleu devant une source lumineuse blanche. [1]

Fig. 2. Les coordonnées trichromatiques choisies par chacun des sept observateurs de Guild se dispersent plus ou moins. Guild va en extrapoler une valeur moyenne.


Indépendamment, William Wright de l’Imperial College lance la même expérience en 1928 à l’aide de 10 observateurs. Il choisit ses propres primaires R, G, B = 650 nm, 530 nm, 460 nm. Il va bénéficier des observations de Guild pour optimiser son expérience, notamment en choisissant le poids de ses primaires sur des considérations pratiques. Ainsi, les poids des primaires verte et bleue sont tels que leur superposition donne le cyan 494 nm.  La superposition du vert et du jaune donne le jaune 582,5 nm.

Fig. 3. Wright ne publiera que cet unique graphique de coordonnées pour résumer ses travaux. Il n'a pas publié la table complète des composantes trichromatique. Cette table sera reconstituée depuis les courbes ci-dessus.

Un espace pour rassembler les données

Guild décide de rassembler les résultats des deux expériences dans l’espace RGB qui fait référence à l’époque : le NPL-RGB (RGB du National Physical Laboratory). Cet espace RGB a des primaires R,G,B = 700 nm, 546,1 nm, 435,8 nm et un point blanc à 4874 K. Ces primaires NPL faisaient référence à l’époque uniquement pour leur côté pratique, car le vert et le bleu correspondent à deux raies d’émission de mercure faciles à mettre en oeuvre et le rouge peu visible laissant une grande latitude de précision, car dans cette zone la sensibilité de l’oeil est étale. Guild va extrapoler ses résultats vers l’espace NPL-RGB et il demande à Wright d’extrapoler les siens vers le NPL-RGB afin de pouvoir comparer les résultats de chacun. Par la suite, Guild effectuer une moyenne de ces deux résultats en les lissant. Cette nouvelle interprétation des fonctions colorimétriques est connue sous le nom de Moyenne Guild/Wright. Guild fit également une comparaison de ses courbes avec celles de König et Abney beaucoup plus anciennes. Mais la dérive de celles-ci était trop importante pour pouvoir les intégrer.

Fig. 4. Résultats des travaux de Guild et Wright comparé dans l'espace NPL. Ces deux résultats seront ensuite lissés en un résultat unique, appelé moyenne de Guild et Wright.


Naissance du modèle CIE-RGB

Nous avons déjà parlé des choix proposés par Schrödinger dans l'article 7. C'est Judd qui prend en charge la mise en place des recommandations de Schrödinger. Les fonctions colorimétriques du modèle "Moyenne Guild/Wright serviront de base et seront interpolées pour le futur  CIE-RGB. Le but étant d'utiliser un espace RGB qui puisse intégrer la fonction V sans trop de distorsion. Pour cela les primaires rouge et bleue sont choisies au plus près de la zone de limite de visibilité.

Très lourde charge pour Judd car, intégrer la fonction d'efficacité spectrale relative pour remplacer la luminance RGB correspond mathématiquement à :

1 - Définir les coefficients de luminance qui préservent la luminance énergétique constante des couleurs spectrales.

2 - Positionner le plan de luminance nulle dans le diagramme

3 - Garantir que la luminance soit définie par le produit des coefficients de luminance avec les fonctions colorimétriques.

Ces trois conditions sont expliquées dans l'article suivant "12 -                                                    Modélisation de la luminance".

Les diagrammes de chromaticité


La présentation des fonctions colorimétriques directement dans l’espace colorimétrique est beaucoup plus intuitive que sous la forme des courbes classiques. Par contre, le fait d'utiliser un diagramme en deux dimensions en limite la perception.

Dans le diagramme de chromaticité, les fonctions colorimétriques se déploient selon une courbe habituellement nommée spectrum locus (expression latine signifiant emplacement des couleurs spectrales).

Fig. 5 - La représentation classique dans le diagramme CIE-rg est assez restrictive, car elle n’indique que deux variables et masque la troisième.
Si on se place dans le diagramme rg, on voit clairement le déploiement de la courbe sur l'axe du vert et sur l'axe du rouge. On n'a pas d'information sur l'axe du bleu.

Si l'on veut toutes les informations que donne une vue 3D, il faut alors trois diagrammes correspondant à une vue de face, une vue de côté et une vue de dessus. Cet article vous propose cette représentation complète selon trois diagrammes : le diagramme rg, le diagramme gb et le diagramme rb.

Fig. 6 - On remarque que le bleu le plus saturé s’exprime vers la spectrale 475 nm.



Fig. 8 - La synthèse des trois figures 5, 6 et 7 ci-dessus donne une perspective en 3D.



Notes :

[1] D’après la table originale de J. Guild (Philisophical transactions of the Royal Société, Londres 1932
REFERENCES :
Calculation from the original experimental data of the CIE 1931 RGB

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